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maîtresse

nf (mê-trè-s')
  • 1Celle qui domine, dirige, possède. Les domestiques et leur maîtresse. Fille, femme, mère, maîtresse, reine, telle que nos voeux l'auraient pu faire. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il me laisse en ces lieux souveraine maîtresse. [Racine, Athalie] Du coeur d'Assuérus souveraine maîtresse, Éprouvez seulement son ardente amitié. [Racine, Esther] [La femme] La nuit, le jour, veut être, à mon avis, Tant qu'elle peut, la maîtresse au logis. [Voltaire, Ce qui plaît, etc.]

    Dame et maîtresse, sorte de pléonasme qui se dit quelquefois dans le langage familier. Elle est ici dame et maîtresse.

    Maîtresse de maison, la dame qui, à titre d'épouse, de parente ou autre, dirige une maison. Une maîtresse de maison, attentive à faire ses honneurs, n'aurait pas, en pleine santé, pour des étrangers des soins plus marqués, plus obligeants, plus aimables que ceux que Julie mourante avait pour sa famille. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

    Maîtresse de soi-même, femme qui peut disposer de son sort comme elle veut. Maîtresse de moi-même, il veut bien qu'une fois Je puisse de mon sort disposer à mon choix. [Racine, Mithridate] Libre dans vos bontés, maîtresse de vous-même. [Voltaire, Olymp. IV, 4] Quand je serai ma maîtresse, Je ferai comme ma tante, je me lèverai tard aussi. [Genlis, Théât. d'éduc. la Bonne mère, I, 1]

    Maîtresse d'elle-même, se dit aussi d'une femme qui se possède. Le roi trouva une grande différence dans l'humeur de Mme de Maintenon [par opposition à Mme de Montespan] ; il trouva une femme toujours modeste, toujours maîtresse d'elle-même. [Mme de Caylus, Souvenirs, p. 88, dans POUGENS]

    Être maîtresse de, être la maîtresse de, disposer à son gré. Je suis peu maîtresse de mon temps. [Maintenon, Lettres]

    Absolument. Être la maîtresse, faire ce qu'on veut. Vous me dites que je pleure, et que je suis la maîtresse ; il est vrai, ma fille, que je ne puis m'empêcher de pleurer : mais ne croyez pas que je sois tout à fait la maîtresse de partir, quand je le voudrai. [Sévigné, 17 fév. 1672]

    Être maîtresse de, contenir, dominer. La raison ne doit-elle pas être maîtresse de tous nos mouvements ? [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Une émotion dont je ne suis pas maîtresse. [Sévigné, 440] D'un mouvement jaloux je ne fus pas maîtresse. [Racine, Bajazet] Votre trouble à Mathan n'a-t-il point trop parlé ? - J'ai fait ce que j'ai pu pour m'en rendre maîtresse. [Racine, Athalie] Ces transports dont votre âme à peine est la maîtresse. [Voltaire, La méroppe française]

  • 2Il se dit des armées qui s'emparent. Pendant que le parlement d'Angleterre songe à congédier l'armée, cette armée, toute indépendante, réforme à sa mode le parlement, qui eût gardé quelques mesures, et se rend maîtresse de tout. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ses armées, maîtresses de Naples au nom de l'archiduc son frère, et maîtresses, en son propre nom, du Bolonais, du Ferrarais, d'une partie de la Romagne, menaçaient Rome. [Voltaire, Annales de l'Empire depuis Charlemagne]

    Fig. Il n'aura point une multitude de femmes qui se rendent maîtresses de son esprit, ni une quantité immense d'or et d'argent. [Sacy, Bible, Deutéron. XVII, 17] De ses derniers soupirs [de Claude mourant] je me rendis maîtresse. [Racine, Britannicus]

  • 3 Fig. Il se dit de choses qu'on personnifie. Et forçant sa vertu d'être encor la maîtresse. [Corneille, La mort de Pompée] La rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le valeureux comte de Fontaines, qu'on voyait [à Rocroy] porté dans sa chaise, et, malgré ses infirmités, montrer qu'une âme guerrière est maîtresse du corps qu'elle anime. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ce n'est pas un défaut que d'avoir le cerveau propre pour imaginer fortement les choses et recevoir des images très distinctes et très vives des objets les moins considérables, pourvu que l'âme demeure toujours la maîtresse de l'imagination. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Bientôt ils [les flatteurs] vous diront que les plus saintes lois, Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois. [Racine, Athalie] Déjà de tout le camp la discorde maîtresse Avait sur tous les yeux mis son bandeau fatal. [Racine, Iphigénie en Aulide]
  • 4Celle qui possède un pays à titre souverain. Vous vîtes ces maîtresses du monde [Anne et Marie-Thérèse] vivre parmi vous [religieuses du Val-de-Grâce] comme vous qui l'avez quitté. [Fléchier, Oraisons funèbres] Je songe quelle était autrefois cette ville [Troie], Si superbe en remparts, en héros si fertile, Maîtresse de l'Asie.... [Racine, Andromaque] Mais Rome veut un maître et non une maîtresse. [Racine, Britannicus] Maîtresse d'un État plus vaste que les siens [de Ninus], J'ai rangé sous vos lois vingt peuples de l'aurore, Qu'au siècle de Bélus on ignorait encore. [Voltaire, Sémiramis]

    La reine ma maîtresse, l'impératrice ma maîtresse, expressions qu'emploient les ambassadeurs et autres agents politiques en parlant de leur souveraine.

    La maîtresse du monde, de la terre, des nations, Rome. Et Rome est aujourd'hui la maîtresse du monde. [Corneille, Nicomède] Rome, toujours faible, toujours dans l'anarchie, esclave quelquefois des Allemands, et en proie à tous les fléaux, continua d'être la maîtresse des nations. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Rome, dont le destin, dans la paix, dans la guerre, Est d'être en tous les temps maîtresse de la terre. [Voltaire, La Henriade] Encor quelques moments, un dieu qui vous seconde Va mettre entre vos mains la maîtresse du monde. [Voltaire, Rom. sauv. II, 6] Rome, reine des rois, reine en héros féconde, La terreur, la maîtresse et l'exemple du monde. [Delille, Énéide]

    Dans le style biblique, la maîtresse des nations, Jérusalem. La maîtresse des nations est devenue comme veuve, la reine des provinces a été assujettie au tribut. [Sacy, Bible, Jérémie, Lament. I, 1]

  • 5Fille ou femme recherchée en mariage, ou, simplement, aimée de quelqu'un, ainsi dite de l'empire qu'elle exerce sur l'homme qui l'aime. Ils semblent, comme moi, servir une maîtresse. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] M'en croyez-vous, seigneur ? ne la revoyez point ; Portez en lieu plus haut l'honneur de vos caresses, Vous trouverez à Rome assez d'autres maîtresses, Et dans ce haut degré de puissance et d'honneur Les plus grands y tiendront votre amour à bonheur. [Corneille, Polyeucte] Qui trahit sa maîtresse aisément fait connaître Que sans aucun scrupule il trahirait son maître. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Plus on aime une maîtresse, plus on est près de la haïr. [La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions morales] Quoique les maux se succèdent ainsi les uns aux autres [dans l'amour], on ne laisse pas de souhaiter la présence de sa maîtresse par l'espérance de moins souffrir ; cependant, quand on la voit, on croit souffrir plus qu'auparavant. [Pascal, Discours sur les passions de l'amour] J'ignore ce grand art qui gagne une maîtresse. [Boileau, Satires] Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse [des sultans], Ils daignent quelquefois choisir une maîtresse. [Racine, Bajazet] Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse. [Racine, Britannicus] Rome l'alla chercher [Cléopâtre] jusques à ses genoux [d'Antoine], Et ne désarma point sa fureur vengeresse Qu'elle n'eût accablé l'amant et sa maîtresse. [Racine, Bérénice] Rien n'encourage plus aux actions vertueuses, que d'avoir pour témoin et pour juge de sa conduite une maîtresse dont on vent mériter l'estime. [Voltaire, Babouc.] Vous vieillirez, Ô ma belle maîtresse, Vous vieillirez, et je ne serai plus. [Béranger, Bonne vieille.] J'ai dit à mon coeur, à mon faible coeur : N'est-ce point assez d'aimer sa maîtresse ? [Musset, Chanson.]

    Faire une maîtresse, faire maîtresse, prendre une maîtresse. Si l'on me dédaigne, je laisse La cruelle avec son dédain, Sans que j'attende au lendemain De faire nouvelle maîtresse. [D'urfé, Astrée, I, 1] ....Et déjà vous avez fait maîtresse ? - Dorante : Si je n'en avais fait, j'aurais bien peu d'adresse, Moi qui depuis un mois suis ici de retour. [Corneille, Le menteur]

  • 6Femme ou fille qui vit avec un homme dans un commerce de galanterie. Elle avait envie d'être la maîtresse du roi, elle l'est. [Sévigné, 216] La duchesse de Valentinois ne pouvait pardonner à Mme d'Étampes de lui avoir ôté le titre de maîtresse du roi. [La Fayette, Princesse de Clèves, Oeuv. compl. t. II, p. 43, dans POUGENS.] On lui reprochait [à Henri IV, empereur d'Allemagne] publiquement d'avoir des maîtresses. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Il fallait une maîtresse [à Louis XV] : le choix tomba sur Mlle Poisson [Mme de Pompadour], fille d'une femme entretenue et d'un paysan de la Ferté-sous-Jouarre qui avait amassé quelque chose à vendre du blé aux entrepreneurs des vivres. [Voltaire, Comm. Oeuv. aut. Henr.] Dans un État purement monarchique tel que la France, une maîtresse avare ou dissipatrice ruine le peuple. [Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les moeurs et les écrits de Sénèque] Je possède jeune maîtresse Qui va courir bien des dangers. [Béranger, Ma dern. chanson.] J'avais vingt ans, une folle maîtresse. [Béranger, Grenier.]

    Maîtresse déclarée, nom qu'on donnait sous l'ancienne monarchie à la femme qui portait publiquement le titre de maîtresse du roi. Mme de la Vallière fut la première maîtresse déclarée, et il [Louis XIV] la fit duchesse de Vaujour. [Duclos, Règne de Louis XIV, Oeuv. t. V, p. 178] Le roi sans doute aura des maîtresses ; mais il n'y en aura plus de déclarées. [Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 191, dans POUGENS]

    Fig. Épouser sa maîtresse, devenir possesseur d'une chose, et, par la possession même, s'en dégoûter. J'aimerais mieux y demeurer par choix que d'y être forcée ; vous savez ce que dit l'abbé d'Effiat ; il a épousé sa maîtresse ; il aimait Véret quand il n'était pas obligé d'y demeurer ; il ne peut plus y durer, parce qu'il n'ose en sortir. [Sévigné, 4 août 1677]

  • 7Celle qui enseigne. Une maîtresse de piano, de chant. Une maîtresse de langue. Je voudrais que vous sussiez que la maîtresse des novices est la plus importante charge de la maison, et, en un sens, plus que la supérieure. [Maintenon, Lettres] Les enfants voient fort bien les vices ou les vertus de leurs maîtresses ; il faut parler à une fille de sept ans aussi sensément qu'à une de vingt. [Maintenon, ib. 9 avril 1713]

    Fig. Imagination, c'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreurs et de fausseté.... [Pascal, Pensées] Ce qu'une judicieuse prévoyance n'a pu mettre dans l'esprit des hommes, une maîtresse plus impérieuse, je veux dire l'expérience, les a forcés de le croire. [Bossuet, Oraisons funèbres] L'oisiveté est la maîtresse de tous les crimes. [Bourdaloue, Dim. de la Séptuagés. Dominic. t. I, p. 356]

    Maîtresse de pension, dame qui est à la tête d'un pensionnat de jeunes filles.

    Maîtresse d'école, femme qui enseigne dans une école les éléments aux petites filles.

  • 8Maîtresse se joint à des qualifications injurieuses pour les renforcer. Une maîtresse coquine.

    Il se joint aussi à des qualifications indifférentes ou louables, également pour les renforcer. Un beau matin, sa femme, qui était une maîtresse commère, entre dans son cabinet. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Une maîtresse femme, une femme capable, habile, résolue. Elle parla avec tant de force qu'une nouvelle servante, qui l'entendait, l'interrompit en s'écriant : Pardi, voilà encore une maîtresse femme. [Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 273, dans POUGENS]

    Il se dit, dans un sens analogue, des choses inanimées, et signifie principal. Cet heureux poëme n'a extraordinairement réussi que parce qu'on y voit les deux maîtresses conditions (permettez-moi cette épithète) que demande ce grand maître [Aristote] aux excellentes tragédies. [Corneille, Le Cid] Soit que l'âme ait le cerveau entier immédiatement sous sa puissance, soit qu'elle y ait quelque maîtresse pièce par où elle contienne les autres parties, comme un pilote conduit tout le vaisseau par le gouvernail. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même] La capacité principale et la qualité maîtresse du président était pour les négociations. [Ste-beuve, Causeries, 15 mai 1854]

    Maîtresse pièce, la principale pièce d'un ouvrage quelconque.

    Terme de marine. Maîtresse varangue, celle qui répond au maître couple.

    Maîtresse ancre, la plus grosse ancre d'un bâtiment.

    Maîtresse levée, la section verticale passant par l'axe ou le milieu de la largeur des branches du maître couple.

    Maîtresses garcettes, les deux garcettes centrales d'une bande de ris, etc.

    Terme de pêche. Maîtresse corde, la plus grosse des cordes dont on se sert pour le genre de pêche appelé pêche aux cordes.

  • 9Petite-maîtresse, femme qui est d'une élégance recherchée dans son ton, dans ses manières, dans sa parure, et qui a un air avantageux. La coquetterie fait les plus extravagantes petites-maîtresses. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Mme de Bose aurait été sa fille ; elle était brillante et petite-maîtresse. [Rousseau, Les confessions]

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MAÎTRESSE. - REM. Ce passage de Molière montre bien l'emploi ordinaire, dans le XVIIe siècle, de maîtresse au sens de femme qu'on recherche en mariage. [Harpagon dit à sa fille en lui parlant de Marianne, qu'il veut épouser : ] Pour vous, ma fille,... préparez-vous à bien recevoir ma maîtresse qui vous doit venir visiter. [Molière, L'avare]

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