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ronger

vt (ron-jé. Le g prend un e devant a et o : rongeant, rongeons)
  • 1Couper avec les dents ou avec le bec à plusieurs reprises. Un chien qui ronge un os. Les vers rongent le bois. Un furieux oiseau de proie Sans cesse lui ronge le foie. [Scarron, Virgile travesti] N'étant pas de ces rats qui les livres rongeants, Se font savants jusques aux dents. [La Fontaine, Fables] Cette guenon avait rongé une petite partie de sa queue. [Buffon, Quadrupèdes]

    Ronger ses ongles, se dit du geste que l'on fait, pendant que l'on médite, que l'on réfléchit. Attendez un peu que j'y songe, Pendant que mes ongles je ronge. [Scarron, Poés. div. Oeuv. t. VII, p. 23, dans POUGENS]

    Fig. Se ronger les poings de quelque chose, en concevoir une vive irritation, un vif regret. Sa femme s'en ronge les poings de fureur. [Diderot, Lettres à Sophie Voland]

    Par exagération. Ronger sa litière, en être réduit à manger ce qui ne vaut guère mieux qu'une litière. ....j'étais résolu, faisant autant que trois, De boire et de manger comme aux veilles des Rois ; Mais, à si beau dessein défaillant la matière, Je fus enfin contraint de ronger ma litière. [Régnier, Satires]

    Fig. Donner un os à ronger à quelqu'un, lui donner quelque emploi qui l'aide à vivre, ou lui faire quelque légère grâce pour se délivrer de ses importunités.

    Par allusion à cette locution. Je crains bien que notre mariage ne se rompe.... et, si l'on veut donner à ronger l'espérance d'un duc qui ne viendra point, Mlle d'Alerac a bien l'air d'en être la victime. [Sévigné, 1er oct. 1684]

    On lui a donné un os à ronger, on lui a suscité quelque affaire qui l'occupe fort et qui l'empêche de nuire à autrui.

    Ce cheval ronge son frein, il le mord, il le mâche.

    Fig. Ronger son frein, dissimuler son dépit. Jeanne, rongeant son frein, de mine s'apaisa. [Régnier, Satires] Elle ronge son frein, Trouve le jour obscur, quoiqu'il soit fort serein. [Boursault, Fabl. d'Ésope, II, 3] Je ronge mon frein et mon âme bien tristement loin de mon cher ange. [Voltaire, Correspondance]

  • 2 Par extension, consumer, corroder, entamer. L'eau-forte ronge les métaux. Un ulcère lui a rongé le nez. La goutte le ronge. Les restes de l'ancien pays que l'océan a rongé et couvert peu à peu. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière] La salive est connue depuis longtemps comme rongeant ou oxydant assez promptement le fer et le cuivre. [Fourcroy, Conn. chim. t. IX, p. 365]

    Absolument. L'Arve, à force de ronger, s'est creusé un lit qui côtoie les jardins. [Saussure, Voir Alpes, t. I, p. 16, dans POUGENS]

  • 3 Fig. Consumer le bien d'autrui Cet avoué ronge ceux qui ont affaire à lui. Si je connaissais sa maîtresse, j'irais lui conseiller de le piller, de le manger, de le ronger, de l'abîmer. [Lesage, Turcaret]
  • 4 Fig. Exercer sur l'âme une action comparée à un rongement. Cet animal [le lièvre] est triste, et la crainte le ronge. [La Fontaine, Fables] Un songe, me devrais-je inquiéter d'un songe ? Entretient dans mon coeur un chagrin qui le ronge. [Racine, Athalie] Les noirs soucis qui rongeaient son coeur. [Fénelon, Télémaque] Là, Télémaque aperçut des visages pâles, hideux et consternés ; c'est une tristesse noire qui ronge ces criminels. [Fénelon, ib. XVIII] Un horrible soupçon me tourmente et me ronge. [Delavigne, Les vêpres siciliennes]

    Se ronger le coeur, se laisser aller à des inquiétudes, à des chagrins qui tourmentent. Je me ronge le coeur, je n'ai point de repos. [Régnier, Élégies] Je ne crois pas qu'il puisse être content d'une personne qui ne lui donne pas tous les jours sujet de songer creux et de se ronger le coeur. [Fontenelle, Lett. gal. II, 15]

  • 5 vi Détruire les couleurs.
  • 6 Terme de vénerie. On dit que le cerf ronge quand il rumine.
  • 7Se ronger, vpron Exercer sur soi un rongement. Et de quelque souci qu'en veillant je me ronge. [Malherbe, V, 21] Son orgueil [d'une âme mélancolique] fait son supplice ; elle se ronge, dans la solitude, du dépit secret d'être méprisée et oubliée. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Être rongé. Sentir son âme, usée en impuissant effort, Se ronger lentement sous la rouille du sort. [Lamartine, Méditations poétiques]

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