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dévorer

vt (dé-vo-ré)
  • 1Saisir à belles dents et manger une proie. Les bêtes l'ont dévoré. Où dit-on que le sort vous a fait rencontrer ? - Parmi des loups cruels prêts à me dévorer. [Racine, Athalie] Tu es ici dans un antre où les hommes te dévoreront. [Chateaubriand, Les Natchez] Et je lui porte enfin mon coeur à dévorer. [Chateaubriand, Androm. V, 6] Quand voulez-vous donc, disait-elle quelquefois au sultan son fils, aider mon lion [Charles XII] à dévorer ce czar ? [Voltaire, Histoire de Charles XII] Sous notre heureuse demeure, Avec celui qui les pleure, Hélas ! ils dormaient hier ! Et notre coeur doute encore, Que le ver déjà dévore Cette chair de notre chair ! [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]

    Par extension. Les chenilles ont tout dévoré.

    Très familièrement. Se dévorer le bras, la jambe, se gratter le bras, la jambe, avec une sorte de rage.

  • 2Manger avidement. Cet homme dévorait son repas.

    Absolument. Cet enfant dévore. Je ne sais pas s'il digère bien, mais je sais qu'il dévore. [Maintenon, Lettres]

    Fig. Être rapace. N'est-ce pas Double-Main le greffier ? - Oui, c'est qu'il mange à deux râteliers. - Manger ! je suis garant qu'il dévore. [Beaumarchais, Le mariage de Figaro, ou La folle journée]

  • 3 Fig. Dissiper, se hâter d'user en prodigue d'un bien. Et tous trois à l'envi s'empresser ardemment à qui dévorerait ce règne d'un moment. [Corneille, Othon] L'héritier prodigue paye de superbes funérailles et dévore lo reste. [La Bruyère, VI] César jouit de tout et dévore le fruit Que six siècles de gloire à peine avaient produit. [Voltaire, La mort de César]
  • 4Consumer, détruire. Le temps dévore tout. La flamme vole et dévore le vaisseau. [Fénelon, Télémaque] La gloire des méchants en un moment s'éteint ; L'affreux tombeau pour jamais les dévore. [Racine, Esther] ... que le feu dévore Le seul lieu sur la terre où Dieu veut qu'on l'adore. [Racine, Athalie] Ah ! plutôt que du ciel la flamme me dévore ! [Racine, Phèdre] Je vois déjà l'hymen, pour mieux me déchirer, Mettre en vos mains le feu qui la [Troie] doit dévorer. [Racine, Iphigénie en Aulide] Si vous m'irritez contre vous, l'épée vous dévorera. [Sacy, Bible, Isaïe, I, 20] Élie lui répondit : Si je suis homme de Dieu, que le feu descende du ciel, et vous dévore avec vos cinquante hommes. [Sacy, ib. Rois, IV, I, 10] Mes soins l'ont enfermé [un orphelin] dans ces asiles sombres Où des rois ses aïeux on révère les ombres ; La mort, si nous tardons, l'y dévore avec eux. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] [La Naissance et la Mort, deux fantômes voilés] L'un produit l'inconcevable moment de notre vie que l'autre s'empresse de dévorer. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne] Les flammes qui dévoraient avec un bruissement impétueux les édifices entre lesquels il [Napoléon à Moscou] marchait, dépassant leur faîte, fléchissaient alors sous le vent et se recourbaient sur nos têtes. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    C'est une terre qui dévore ses habitants, se dit d'un pays malsain qui cause une grande mortalité. Les pays équatoriaux dévorent les Européens.

    Par extension, faire maigrir, altérer le teint, l'apparence. Mandez-moi comme vous vous portez de l'air de Grignan, s'il vous a déjà bien dévorée, et comme je me dois représenter votre jolie personne. [Sévigné, 189]

  • 5Piller, épuiser. L'armée dévorait le pays. Sous prétexte de vos longues prières, vous dévorez les maisons des veuves. [Sacy, Bible, Év. S. Math. XXIII, 14] Grecs, Arabes, Français, Sarrasins nous dévorent. [Voltaire, Tancrède] Il [Voltaire] a profité de la circonstance d'un contrôleur général vertueux et zélé pour le bien, pour demander que le pays de Gex où il habite ne soit plus dévoré par les financiers. [D'alembert, Lettre au roi de Prusse, 23 févr. 1776]

    Fig. L'excès de sa douleur dévore sa parole [l'intercepte]. [Tristan, La Mort de Chrispe ou Les Malheurs domestiques du Grand Constantin]

  • 6 Fig. Faire éprouver une sensation pénible, en parlant de la soif, de la fièvre, de la chaleur. La soif, la fièvre le dévore. Un lion que la cruelle faim dévore. [Fénelon, Télémaque] Pour apaiser la faim qui le dévore. [Massillon, Car. Riche.] Déjà l'ardente soif le sèche et le dévore. [Ducis, Abufar ou La Famille arabe] Courbés par le midi dont l'ardeur les dévore. [Delavigne, Le paria]

    Dans le même sens, en parlant des passions. Rien ne peut-il charmer l'ennui qui me dévore ? [Racine, Bérénice] Qu'un soin bien différent me trouble et me dévore ! [Racine, Phèdre] Du zèle qui pour toi l'enflamme et le dévore. [Racine, Esther] Le chagrin me dévore. [Racine, Andromaque] Célèbre par le zèle saint qui le dévorait. [Massillon, Car. Resp.] Le souvenir affreux dont l'horreur me dévore. [Voltaire, Zaïre] Gens que l'avarice dévore, Pour votre or soudain j'ai frémi. [Béranger, Ma dern. chans.] Dans les villes qui paraissent jouir de la paix et où les arts fleurissent, les hommes sont dévorés de plus d'envie, de soins et d'inquiétudes qu'une ville assiégée n'éprouve de fléaux. [Voltaire, Candide, ou L'optimiste] Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent, Oubliez les heureux. [Lamartine, Méditations poétiques]

  • 7Dévorer un livre, le lire avec avidité. Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons, Et vous devez du coeur dévorer ces leçons. [Molière, L'école des femmes] Je m'arrêtais pour ne pas dévorer votre lettre si promptement. [Sévigné, 52] Tant qu'on a cru voir dans ce livre [les Caractères de la Bruyère] les portraits de gens vivants, on l'a dévoré pour se nourrir du triste plaisir que donne la satire personnelle. [D'olivet, Hist. Acad. t. II, p. 354, dans POUGENS] Dévorant les poëtes fameux Je n'aspirai jamais qu'à m'illustrer comme eux. [Légouvé, Épichar. et Néron, II, 3]
  • 8Dévorer en espérance, convoiter avidement quelque chose. Il dévore en espérance tous mes trésors. [Vaugelas, Q. C. liv. VIII, ch. 1] Au reste soyez sûrs que vous posséderez Tout ce qu'en votre coeur déjà vous dévorez. [Corneille, Nicomède] Dans son avide orgueil je sais qu'il nous dévore. [Racine, Alexandre le grand] D'un oeil d'impatience il dévorait sa proie. [Voltaire, La Henriade]

    Dévorer des yeux, jeter des regards pleins d'ardeur et de convoitise. Il dévore des yeux et du coeur cent beautés. [La Fontaine, Scam.] Il dévore des yeux le fruit de tous ses crimes. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée] Ici une amante affligée exprime sa langueur, une autre dévore des yeux son amant. [Montesquieu, Lettres persanes] Mes yeux dévorent des charmes dont ma bouche n'ose approcher. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

  • 9Dévorer le temps, anticiper avec impatience sur le temps. L'impatient Thierry dévore les instants. [Lemerc. Bruneh. III, 6] Et semble d'un regard dévorer l'avenir. [Ducis, Macbeth] Son fier regard semblait, dévorant l'avenir, Poursuivre avidement une gloire lointaine. [Ancelot, Fiesque, I, 1]
  • 10Ne pas laisser paraître, renfoncer en soi-même. Dévorer ses larmes, ses chagrins. Rongée de soucis, je suis obligée de paraître gaie et contente ; il faut que je dévore mes larmes. [Maintenon, Lettres] Je me suis tu, j'ai dévoré ma peine. [Fénelon, Télémaque] Toujours verser des pleurs qu'il faut que je dévore ! [Racine, Bérénice] Sous un maître odieux dévorant ma tristesse. [Voltaire, La méroppe française] Comment avez-vous pu dévorer si longtemps Une douleur plus tendre et des maux plus touchants ? [Voltaire, Brutus] Dévorant mon dépit et mes soupirs honteux. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] Eh bien ! je dévorais une haine funeste. [Ducis, Abufar ou La Famille arabe]

    Dévorer un affront, l'endurer sans en faire paraître aucun ressentiment. Quiconque ne sait pas dévorer un affront,... Loin de l'aspect des rois qu'il s'écarte, qu'il fuie. [Racine, Esther] On dévore les rebuts les plus outrageants. [Massillon, Car. Laz.] Vous dévorerez leurs inégalités et leurs caprices. [Massillon, Car. Pardon.] Le roi présent dévore la menace ; Son âme altière est contrainte à fléchir. [Millev. le Mancenillier.]

  • 11Dévorer les difficultés, venir courageusement à bout de ce qui est difficile. Les affaires n'eurent jamais rien d'obscur qu'il n'éclaircît, rien de douteux qu'il ne décidât.... rien de pénible qu'il ne dévorât. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons]
  • 12Se dévorer, vpron Se dévorer l'un l'autre. Les brochets se dévorent les uns les autres.

    Se dévorer soi-même. Il est juste qu'une espèce si perverse se dévore elle-même. [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard]

    Très familièrement. Se dévorer, se gratter avec une sorte de rage. Empêchez donc cet enfant de se dévorer.

    Fig. Se livrer à l'impatience, au chagrin. Je me dévore de cette envie. [Sévigné, 30] Et là-dessus on s'abat, on se dévore soi-même, on renonce presque à l'espérance de son salut. [Massillon, Profess. relig. Serm. 1]

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