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prêter

vt (prê-té)
  • 1Fournir, mettre à la disposition (ce qui est le sens du latin praestare). Bien loin de vous prêter l'appui dont vous parlez.... [Corneille, Nicomède] Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie. [La Fontaine, Fables] Un guerrier est invincible quand il combat avec foi, et quand il prête des mains pures au dieu des batailles qui le conduit. [Fléchier, Oraisons funèbres] Si les dieux m'ont prêté des ailes, Ce n'est pas pour fuir le danger. [Quin. Persée, V, 4] Ô toi [nuit], de mon repos compagne aimable et sombre, à de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ? [Boileau, Le lutrin] [ô Dieu] prête à mes discours un charme qui lui plaise [au roi]. [Racine, Esther]

    N'accorder que pour un moment. Ô sort.... Reprenez la faveur que vous m'avez prêtée, Et rendez-moi la mort que vous m'avez ôtée. [Corneille, Polyeucte]

    Prêter secours, aide, faveur, etc. secourir, aider, favoriser quelqu'un en quelque chose.

    Prêter un exemple à quelqu'un, lui donner un exemple qui l'autorise à faire quelque chose. Vous voyez qu'à son rang elle me sacrifie, Madame, et vous voulez que je la justifie ! Qu'après tous les mépris qu'elle montre pour moi, Je lui prête un exemple à me voler sa foi ? [Corneille, Pulchérie]

    Prêter main-forte, appuyer par la force l'exécution des ordres de la justice.

    En un autre sens, prêter main-forte, venir en aide. La moitié de tes gens doit occuper la porte, L'autre moitié te suivre et te prêter main-forte. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]

    Prêter la main ou les mains à quelque chose, voir MAIN, n° 5.

    Prêter la main, les mains à quelqu'un, venir en aide à quelqu'un. Cher Néarque, pour vaincre un si fort ennemi, Prête du haut du ciel la main à ton ami. [Corneille, Polyeucte] À vous prêter les mains ma tendresse consent. [Molière, Le misanthrope] Venez me revoir, lorsque vous serez déterminé à quelque chose, et soyez persuadé que vous me trouverez disposé à vous prêter la main. [Lesage, Histoire d'Estevanille Gonzalez, surnommé le garçon de bonne humeur] Trompé par une fausse expérience de Boyle, il [Newton] croit que l'humidité du globe se dessèche à la longue, et qu'il faudra que Dieu lui prête une main réformatrice. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Se prêter la main, se secourir mutuellement. C'est ainsi que le despotisme et la superstition se prêtent la main. [Diderot, Opinions des anciens philosophes]

    Prêter l'épaule, venir en aide. Il croit que ce climat [l'Égypte].... Ayant sauvé le ciel, sauvera bien la terre, Et.... Pourra prêter l'épaule au monde chancelant. [Corneille, La mort de Pompée]

    Prêter son bras, fournir le secours de ses armes, de sa vaillance. Jamais il n'a prêté son bras à tes desseins. [Corneille, Médée] S'il les pousse trop loin [ses projets], moi-même je l'en blâme ; Je lui prête mon bras sans engager mon âme. [Corneille, Sertorius]

    Prêter l'oreille, écouter attentivement, en silence. Seigneur, prêtez l'oreille à mes paroles ; entendez mes cris. [Sacy, Bible, Psaumes, V, 2] Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l'oreille. [Racine, Athalie] Prêtez-moi l'un et l'autre une oreille attentive. [Racine, ib. II, 5] Pourquoi dit-on prêter l'oreille, et que prêter les yeux n'est pas français ? n'est-ce point qu'on peut s'empêcher à toute force d'entendre, en détournant ailleurs son attention, et qu'on ne peut s'empêcher de voir, quand on a les yeux ouverts ? [Voltaire, Comm. Corn. Rem. Rod. V, 3] Cachons-nous et prêtons l'oreille ; Car j'entends la porte s'ouvrir. [Picard, Visitand. I, 7]

    Prêter l'oreille, signifie aussi donner créance. Nés et nourris dans la liberté, ils ne prêteront jamais l'oreille à aucune proposition qui tende à la servitude. [Rollin, Histoire ancienne]

    Prêter l'oeil et l'oreille à, regarder et écouter. Même notre grand roi, ce foudre de la guerre, Le front ceint de lauriers, daigne bien quelquefois Prêter l'oeil et l'oreille au théâtre françois. [Corneille, l'Illus. com. V, 5]

    Prêter silence, faire silence. J'ai forcé ma colère à te prêter silence, Pour voir à quel excès irait ton insolence. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient]

    Prêter attention, prêter son attention, écouter attentivement. Asseyez-vous, monsieur, je vous conjure, et prêtez-moi votre attention. [Beaumarchais, La mère coupable, ou L'autre Tartuffe]

    Prêter l'esprit à, accorder de l'attention. Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle Ce qu'eut de beau sa vie et ce qu'on dira d'elle, Et tient la trahison que le roi leur prescrit, Trop au-dessous de lui pour y prêter l'esprit. [Corneille, La mort de Pompée]

    Prêter serment, faire serment devant quelqu'un. M. de Luxembourg prêta le serment de sa charge de capitaine des gardes du corps. [Pellisson, Lettres historiques] Tout vieux que je suis, je m'intéresse à ces belles Circassiennes qui ont prêté à Votre Majesté serment de fidélité, et qui prêteront sans doute le même serment à leurs amants. [Voltaire, Correspondance]

    Terme de féodalité. Prêter foi et hommage, voir PRESTATION.

    Prêter sa voix, prêter son ministère à quelqu'un, parler pour lui, s'employer pour lui. C'est moi qui prête ici ma voix au malheureux ! [Racine, Athalie]

    Prêter une défense à quelqu'un, employer tels ou tels moyens pour sa défense. L'histoire est trop connue pour retrancher le péril qu'il [le jeune Horace] court d'une mort infâme après l'avoir tuée [sa soeur] ; et la défense que lui prête son père pour obtenir sa grâce n'aurait plus de lieu s'il demeurait innocent. [Corneille, Horace]

    Prêter son crédit, prêter ses amis à quelqu'un, lui rendre service par son crédit ou par l'intervention de ses amis.

  • 2Il se dit aussi des choses qui procurent, qui communiquent. Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes. [Racine, Phèdre] La géographie ainsi considérée pourrait prêter des lumières à la physique, ou du moins donner des doutes. [Voltaire, Russ I, 1] Son trouble lui prêtait de nouveaux agréments. [Gresset, Le méchant] J'ose prendre mes voeux pour de l'espoir ; l'ardeur de mes désirs prête à leur objet la possibilité qui lui manque. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse] Pendant ce récit, le génie tenace de Napoléon fut moins frappé de ces avantages en eux-mêmes que de l'appui qu'ils prêtaient à l'illusion dont il venait de nous entretenir. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Prêter une preuve, servir de preuve. Votre exemple lui prête une preuve assez claire, Que le trône est plus doux que le sein d'une mère. [Corneille, Oedipe]

    Prêter un prétexte, servir de prétexte. Il faut qu'il [l'hymen].... prête un doux prétexte à qui veut tout donner. [Corneille, Suréna]

  • 3Particulièrement, donner une chose à condition qu'on la rendra. Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête, Il faut que l'on en vienne aux coups. [La Fontaine, Fables] Donner est un mot pour qui il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais, je vous donne, mais, je vous prête le bonjour. [Molière, L'avare] À Rome, il fut permis au mari de prêter sa femme à un autre. [Montesquieu, L'esprit des lois] Il est des circonstances où, si vous prêtez votre argent, vous vous faites un ennemi secret ; refusez-le, vous avez un ennemi ouvert. [Voltaire, Fragm. hist. 14] Côme de Médicis, le plus riche particulier de l'Europe, lui prêta [à Sforce] cinquante mille écus, avec lesquels il gagna les troupes milanaises. [Duclos, Oeuv. t. II, p. 301]

    Absolument, en parlant d'argent. Cette honnête usurière, Qui nous prête, par heure, à vingt sous par écu. [Regnard, Le joueur] Dans un gouvernement où personne n'a de fortune assurée, on prête plus à la personne qu'aux biens. [Montesquieu, L'esprit des lois] Il donnait avec bien plus de plaisir qu'il ne prêtait ; car souvent l'expérience lui avait fait connaître qu'il donnait ce qu'il croyait prêter, et qu'il s'en fallait bien qu'en trompant ainsi sa bienfaisance par une extension forcée, on lui en eût plus d'obligation. [D'alembert, Éloges, Milord Maréchal.] On ne voit donc pas que prêter à intérêt c'est vendre ; qu'emprunter à intérêt, c'est acheter ; que l'argent qu'on prête est la marchandise qui se vend ; que l'argent qu'on doit rendre est le prix qui se paye. [Condillac, Comm. gouv. I, 18]

    Prêter à la petite semaine, voir PRÊT 2.

    Fig. Rome seule aujourd'hui peut résister à Rome, Il faut pour la braver qu'elle nous prête un homme. [Corneille, Sertorius] Rien de la part des sens ne le saurait toucher, Et loin de prêter l'âme à leurs vaines délices.... [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]

    Fig. Prêter sa main, être seulement l'exécuteur de la volonté d'un autre. Il m'a prêté sa main, il a tué le comte. [Corneille, Le Cid] Guillaume, enfant de choeur, prêta sa main novice [pour un tirage au sort]. [Boileau, Le lutrin]

    Fig. Prêter sa plume écrire pour quelqu'un.

    Fig. Prêter son nom, laisser faire en son nom. Et jusques à ce jour Atalide a prêté son nom à cet amour [de Roxane et de Bajazet]. [Racine, Bajazet]

    Prêter son nom, autoriser un autre à se servir de notre nom en quelque occasion.

  • 4Présenter, acception qui n'est usitée que dans deux locutions et qui est une combinaison du sens étymologique (praestare, fournir) et du sens particulier (prêter, ne présenter que momentanément).

    Prêter le collet à quelqu'un, se présenter pour lutter ou combattre corps à corps avec lui.

    Fig. et familièrement. Prêter le collet à quelqu'un, être prêt à lui résister, à disputer contre lui. Recommençons notre commerce, je suis prêt à vous prêter le collet. [Bussy-rabutin, Lett. t. IV, p. 90, dans POUGENS] Je vous prêterai le collet en tout genre d'érudition. [Molière, L'amour médecin] Mon cousin est de mon sang, et cela lui suffit pour prêter le collet à tous les godelureaux de Paris. [Destouches, Fausse Agnès, II 1]

    Prêter le flanc à l'ennemi, se poster ou marcher de manière que l'ennemi puisse attaquer en flanc. Si les ennemis voulaient aller à Limbourg, ils seraient obligés de lui prêter le flanc, à moins qu'ils n'allassent faire un grand tour. [Pellisson, Lettres historiques]

    Fig. Prêter le flanc, donner prise sur soi. Il avait su faire rire le public aux dépens de ses adversaires ; il leur prêta le flanc en travestissant maladroitement l'objet de leur culte. [D'alembert, Éloges, Lamotte.]

    Terme de marine. Prêter le côté à un fort, à un bâtiment, se dit d'un vaisseau qui se prépare pour combattre.

    Prêter le côté, est souvent synonyme de présenter le côté ou le travers.

    Prêter le côté au vent, à la mer, être à la cape.

  • 5 Fig. Attribuer, imputer. Prêter à quelqu'un des torts, un travers, des ridicules. J'avais si peu songé au dessein qu'elle me prêtait, que.... [Maintenon, Lettres] Dans ses égarements mon coeur opiniâtre Lui prête des raisons, l'excuse, l'idolâtre. [Racine, Britannicus] Je crois bien que l'historien a prêté ces discours à Pyrrhus et à Fabricius. [Rollin, Histoire ancienne] En général, on leur a prêté [aux cailles] des vues, une sagacité, un discernement qui feraient presque douter que ceux qui leur ont fait honneur de ces qualités en aient fait beaucoup d'usage eux-mêmes. [Buffon, Oiseaux] Ayez une aventure, on vous en prête cent. [Desmahis, l'Impert. sc. 3]
  • 6 Fig. Elliptiquement, prêter à, en sous-entendant matière, sujet, occasion. Cette action prête à de fâcheuses interprétations. Prêter à la plaisanterie, à la critique, à la censure, au ridicule. Dans les lois générales, les exceptions prêtent toujours à l'arbitraire, Décret du 23 floréal an II, Rapport de Cambon, p 95. Dans ce maudit foyer tout prête à l'équivoque. [Delavigne, les Comédiens, III, 2]

    Des grammairiens ont remarqué qu'il ne fallait pas dire prêter à rire, mais apprêter à rire. Ainsi ce vers serait fautif : Dès qu'un mari peu résigné Prêtait à rire au voisinage, BÉRANG., Contr. de mar. Cependant, si l'ellipse est telle qu'il a été dit, il est aussi loisible de dire prêter à rire, à plaisanter, que prêter au rire, à la plaisanterie.

  • 7 vi En parlant des étoffes, du cuir, etc. s'étendre. Ce drap prête beaucoup. Mes vers prêtent, ils s'allongent et se raccourcissent comme on veut. [Legrand, la Nouveauté, sc. 14]

    Fig. C'est un sujet qui peut prêter, qui est susceptible de beaucoup de développements.

  • 8 nm Un prêter, action de prêter. Ami au prêter, ennemi au rendre, c'est-à-dire on se fait souvent un ennemi de celui qu'on a obligé, quand on exige le remboursement de ce qu'on a prêté.

    C'est un prêter à ne jamais rendre, se dit quand on prête à un insolvable ou à un ingrat.

  • 9Se prêter, vpron Être prêté. Bientôt se parjurer cessa d'être un parjure ; L'argent à tout denier se prêta sans usure. [Boileau, Satires]
  • 10 Fig. Se prêter, se laisser aller momentanément à quelque chose. Et quoi qu'étale ici le monde, Ce n'est qu'avec dédain que l'oeil s'y doit prêter. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] Elle sut se prêter au monde avec toute la dignité que demandait sa grandeur. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le torrent n'entraîne que ceux qui veulent bien s'y prêter. [Massillon, Petit carême] Au théâtre, on se prête toujours aux sentiments naturels des personnages : on devient enthousiaste avec Polyeucte, inflexible avec Horace, tendre avec Chimène. [Voltaire, Comm. Corn. Rem. Poly II, 6] Le roi [Louis XV], quoiqu'enfant, ne fut nullement étonné, fit un petit compliment, et se prêta de bonne grâce aux caresses du czar [Pierre Ier]. [Duclos, Oeuv. t. V, p. 293] Toutes les fois que l'illusion est agréable, on s'y prête avec complaisance ; et tout ce qui est possible, on le suppose vrai. [Marmontel, Oeuv. t. VII, p. 48]

    Se prêter à soi-même, se laisser aller à ses propres penchants. Pour ne jamais sortir de l'état où vous êtes, vous n'avez qu'à suivre vos penchants, vous prêter à vous-mêmes, vous laisser entraîner mollement au courant. [Massillon, Carême, Fausse conf.]

  • 11Consentir par complaisance. Se prêter à un accommodement. Je me prêtai de bon coeur à tout, et je commençai par bien constater à ses propres yeux le plaisir que j'avais à lui complaire. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Fig. Je résolus d'abandonner un climat où la nature se prêtait à peine aux besoins de l'homme. [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis]

    User de complaisance. De l'humeur dont il est, j'admire seulement Qu'il daigne se prêter à nous pour un moment. [Piron, La métromanie, ou Le poète] Les lois se sont prêtées à la faiblesse et aux passions, en ne réprimant que ce qui attaque ouvertement la société. [Duclos, Consid.] moeurs, IV., Prêtons-nous sagement aux misères humaines. [Bernis, Ép. IV, Indép.]

    Il faut se prêter aux circonstances, il faut savoir endurer, patienter selon les temps.

    Se prêter aux mains, laisser faire les mains auxquelles on est remis. La situation des dames romaines était la même que celle de nos dames entourées de plusieurs femmes ; il fallait se prêter aux mains qui les servaient de la façon la plus simple et la plus commode pour les unes et pour les autres. Hist. des Vest. dans DESFONTAINES]

    Absolument. Il faut savoir se prêter, il faut savoir user de complaisance à propos. Ce sont des visites à recevoir et à rendre.... il faut cependant se prêter et paraître content. [Diderot, Lettres à Sophie Voland]

  • 12S'accommoder. La langue italienne se prête à toutes les nuances de la gaieté. [Staël, Corinne, ou l'Italie] Le vague de la musique se prête à tous les mouvements de l'âme. [Staël, ib. IX, 2] Il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, le christianisme se prête merveilleusement aux élans de l'âme. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

    PROVERBE

    On ne prête qu'aux riches, on n'oblige que ceux dont on peut espérer des services ; et fig. on attribue volontiers aux personnes, suivant la réputation qu'elles se sont faite, certaines actions, bonnes ou mauvaises, des traits d'esprit ou des sottises.

+

PRÊTER.
11Se prêter.

Absolument. Ajoutez : Un cardinal, avant d'être élu pape, se prête volontiers pour le devenir ; et il y a plusieurs exemples de ces sortes de marchés. [De Bernis, à d'Aubeterre, 6 avr. 1769, dans CRÉTINEAU JOLY, Clément XIV et les Jésuites, p. 248]

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