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perdre

vt (pèr-dr' ; à la 2e et à la 3e personne, tu perds, il perd, se prononcent pêr, sans que l's ou le d se lient : il pêr un temps précieux)

je perds, tu perds, il perd ; je perdais ; je perdrai ; je perdrais ; je perdis ; perds, perdons ; que je perde, que nous perdions ; que je perdisse ; perdant, perdu.

Résumé

  • 1° Être privé de quelque chose dont on était en possession.
  • 2° Être privé d'un avantage, d'un profit qu'on aurait pu obtenir.
  • 3° Être privé, par la mort ou autrement, de personnes qu'on aime, qu'on regrette.
  • 4° Être privé de quelque partie de soi.
  • 5° Ne pas entendre ; ne pas comprendre ; ne pas voir.
  • 6° Être privé d'une chose qui est sortie de notre possession par quelque accident ; se séparer de ; égarer.
  • 7° Cesser d'avoir, n'avoir plus.
  • 8° Cesser de suivre, d'occuper, laisser échapper, laisser prendre.
  • 9° Perdre, en termes de marine.
  • 10° Faire un mauvais emploi, un emploi inutile.
  • 11° Avoir le désavantage.
  • 12° Causer la ruine de quelqu'un.
  • 13° Gâter l'esprit, corrompre les moeurs, causer la damnation.
  • 14° Endommager, gâter.
  • 15° Confondre avec, rendre insensible dans.
  • 16° vi Ne pas obtenir le gain, le profit, l'avantage qu'on espérait.
  • 17° Avoir le désavantage au jeu.
  • 18° Diminuer de valeur.
  • 19° Perdre, en termes de marine.
  • 20° Se perdre, vpron Être perdu, devenir à rien.
  • 21° S'abîmer.
  • 22° Disparaître.
  • 23° Se terminer.
  • 24° Se confondre en.
  • 25° S'anéantir.
  • 26° Faire naufrage.
  • 27° S'égarer, ne plus retrouver son chemin.
  • 28° Avoir l'esprit surmonté par la grandeur ou la difficulté des choses.
  • 29° Avoir l'esprit absorbé.
  • 30° Cesser d'avoir des rapports d'amitié.
  • 31° Causer sa propre ruine.
  • 32° Se damner.
  • 33° Au billard, jeter sa propre bille dans une blouse.
  • 1Être privé de quelque chose dont on était en possession. On perd tout quand on perd un ami si fidèle. [Corneille, Horace] Je perdrai mes États, et garderai mon rang. [Corneille, Nicomède] Elle eut une magnificence royale ; et l'on eût dit qu'elle perdait ce qu'elle ne donnait pas. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je serrais les bras, mais j'avais déjà perdu ce que je tenais. [Bossuet, Oraisons funèbres] Les misérables qui n'ont rien à perdre. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Le prince d'Espagne, Louis de la Cerda, fils de celui qui perdit le trône. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    Perdre Dieu, ne plus avoir sa grâce, ne plus croire en lui. C'est ainsi que nous perdons Dieu, dont toutefois nous ne pouvons nous passer ; car il y a au fond de notre âme un secret désir qui le demande sans cesse. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Familièrement. Vous ne perdrez rien pour attendre, c'est-à-dire le retard ne vous sera pas préjudiciable, ou, ironiquement, vous serez puni comme vous le méritez. Croyez-moi, vous n'y perdrez rien. [La Fontaine, Fianc.]

    On dit dans le même sens : n'en perdre que l'attente. Tu n'en perds que l'attente, et je te le promets. [Molière, Le dépit amoureux]

    Il se dit aussi des personnes en ce même sens. Après tout, je suis plus à vous que jamais ; il est vrai, madame, que vous ne sauriez me perdre, quelque négligence que vous ayez pour moi. [Voiture, Lettres] Il faut venger un père et perdre une maîtresse. [Corneille, Le Cid] Je crus que je ne vous perdrais pas pour cela [une lettre non écrite], puisque vous ne m'aviez pas perdue pour quelque chose de plus. [Sévigné, à Bussy, 6 juillet 1670] On le négligea comme un serviteur qu'on ne pouvait perdre. [Fléchier, Oraisons funèbres] La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu'elles aient rompu pour des intérêts où nous n'avons nulle part, est un point difficile ; il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux. [La Bruyère, III]

  • 2Être privé d'un avantage, d'un profit qu'on aurait pu obtenir. Perdre les bonnes grâces de quelqu'un. Perdre sa réputation, son honneur, ses emplois. Deux mots que lui dit son père lui font bien entendre qu'il n'a pas perdu ses avantages. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je perdrais ma vengeance en la rendant si prompte. [Racine, Bajazet] Ils se voient mille fois à la veille de perdre en un instant le fruit d'une vie entière de recueillement et de pénitence. [Massillon, Carême, Samarit.]
  • 3Être séparé, par la mort ou autrement, de personnes qu'on aime, qu'on regrette. Notre servante s'est mariée ; nous avons perdu là une excellente domestique. Plaignez-moi d'avoir perdu le cardinal de Retz. [Sévigné, à Bussy, 25 août 1679] Je crains toujours qu'elle ne perde bientôt son mari, et que vous ne la perdiez ensuite. [Maintenon, Lettres] Mais il me faut tout perdre et toujours par vos coups. [Racine, Andromaque] J'ai perdu, dans la fleur de leur jeune saison, Six frères.... [Racine, Phèdre] J'ai perdu mon cher Damilaville, dont l'amitié ferme et courageuse avait été longtemps ma consolation. [Voltaire, Correspondance] Vous aurez déjà appris que nous avons perdu Gresset, si le mot perdu n'est pas trop fort pour un homme qui ne disait plus que des orémus. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 23 juin 1777]
  • 4Être privé de quelque partie de soi. Quel avantage pensait nous procurer Platon, en disant que c'était [l'homme] un animal à deux jambes sans plumes ?... puisqu'un homme ne perd pas l'humanité en perdant les deux jambes, et qu'un chapon ne l'acquiert pas en perdant ses plumes. [Pascal, De l'esprit géométrique] Il vaut bien mieux perdre votre pied, votre main, votre oeil, tout votre corps, que de vous mettre en danger de perdre votre âme. [Bourdaloue, 3e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 107] Il perdait son sang et ses forces. [Fénelon, Télémaque] Perdrai-je l'oeil ? lui dit Messer Pancrace [qui avait reçu un coup dans l'oeil]. - Non, mon ami ; je le tiens dans ma main. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses]

    Perdre la vie, mourir. Je crus que Mentor avait perdu la vie. [Fénelon, Télémaque]

    Perdre la tête, avoir la tête coupée. Trois pairs écossais furent condamnés à perdre la tête. [Voltaire, Précis du siècle de Louis XV]

    Fig. Perdre la tête, devenir fou, et aussi ne savoir plus où l'on en est. Ayez pitié de votre ancienne créature qui a perdu la tête, et à qui il ne reste que son coeur. [Voltaire, Correspondance] Le comte : Ah ! qu'il consente à tout, et je ne lui demande rien. - Figaro : Que la quittance de mes cent écus : ne perdons pas la tête. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]

    Populairement. Perdre la boule, ne plus savoir ce qu'on fait (boule est ici un mot populaire pour tête). Laissez-moi donc tranquille ; avec toutes vos observations vous me feriez perdre la boule.

    Subir la perte ou la diminution de quelque faculté physique ou morale. Perdre le repos, le sommeil. Perdre patience. Perdre courage. Il [Charles Ier] a montré qu'il n'est pas permis aux rebelles de faire perdre la majesté à un roi qui sait se connaître. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il perd le sentiment. [Racine, Andromaque] Si je le hais, Cléone ? il y va de ma gloire Après tant de bontés dont il perd la mémoire. [Racine, Andromaque] Je plains Votre Majesté si elle commence, comme elle prétend, à perdre la mémoire ; il y a longtemps que j'ai commencé à la perdre aussi. [D'alembert, Lett. au roi de Pr. 13 déc. 1782]

    Perdre la parole, l'usage de la parole, perdre la voix, ne plus pouvoir parler. Dandin : Parlez donc, avocat. - Petit Jean : J'ai perdu la parole. [Racine, Les plaideurs] Perdant tout ensemble et la voix et les pleurs. [Ducis, Oscar]

    Fig. Perdre la parole, devenir muet de surprise, de crainte, d'embarras. Avez-vous donc perdu, dites-moi, la parole ? [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Perdre haleine, l'haleine, la respiration, manquer de respiration. Écoute, mouchard, mon ami, Je suis ton capitaine ; Sois gai pour tromper l'ennemi, Et chante à perdre haleine. [Béranger, la Conspir. des chansons.]

    Perdre l'esprit, devenir fou, et aussi ne pas savoir comment se tirer de quelque embarras. Je tremble au seul récit de la tempête furieuse dont sa flotte fut battue pendant dix jours ; les matelots furent alarmés jusqu'à perdre l'esprit. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    On dit dans le même sens : perdre le jugement. Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ? [Molière, Le misanthrope]

    Familièrement. Il en perd le boire et le manger, c'est-à-dire il est tellement préoccupé de quelque chose qu'il semble ne songer à rien autre.

  • 5Ne pas entendre. Il a l'oreille dure, il perd une partie de ce qui se dit dans la conversation. Je ne perdis rien de tout ce qu'elle me dit, et en vérité je vous le rapporte presque mot pour mot, tant j'en fus frappée. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]

    Ne pas comprendre. Il sait l'anglais imparfaitement, et il perd une partie de ce qui se dit.

    Ne pas voir. Il était mal placé, et perdait une partie du jeu des acteurs. Sainville ne perdait aucun de ses mouvements. [Genlis, Voeux téméraires, t. III, p. 242, dans POUGENS]

  • 6Être privé d'une chose qui est sortie hors de notre possession par quelque accident. Perdre son chapeau, son mouchoir. Le bon est qu'en courant il a perdu sa botte, Et que, marchant toujours, enfin il s'est trouvé Une botte de moins quand il est arrivé. [Regnard, Le distrait]

    Priver quelqu'un d'une chose qu'on met par accident hors de sa possession. On lui perd tout, on lui égare tout. [La Bruyère, XI]

    Perdre quelqu'un, se séparer de lui de manière à ne plus pouvoir le retrouver. J'ai perdu mon maître à l'Opéra ; je ne sais ce qu'il est devenu. [Baron, Homme à bonnes fort. IV, 5]

    En ce sens, il se dit aussi de certains animaux. Ce chien a perdu con maître.

    Perdre quelqu'un, le détourner de sa route, l'égarer. Ce postillon nous a perdus.

    Perdre quelqu'un, perdre un chien, signifie aussi l'égarer de manière à ne plus le retrouver. Il faut perdre ce chien. Cidalise la promène ; elle tâchera de la perdre comme un animal incommode. [Dancourt, Foire de Besons, SC. 14]esser d'avoir, n'avoir plus. Les arbres ont perdu leurs feuilles. Cette étoffe a perdu sa couleur. Attale : Insolent ! est-ce enfin le respect qui m'est dû ? - Nicomède : Je ne sais de nous deux, seigneur, qui l'a perdu. [Corneille, Nicomède] Tellier et Servien se contentèrent de ne lui pas applaudir [à Mazarin] ; mais le garde des sceaux lui perdit tout respect. [Retz, III, 136] Ce présent perdait son prix par son abondance. [Pascal, De l'esprit géométrique] J'ai perdu, à force de vous écouter, la grossière ignorance sur bien des choses. [Sévigné, 15 sept. 1680] À force d'attentats perdre tous mes remords. [Racine, Athalie] Nous avons perdu l'espérance de le revoir. [Fénelon, Télémaque] Il n'avait rien perdu de sa fierté. [Fénelon, ib. XVI]

    Fig. J'y perdrai mon nom, voir NOM, n° 1, à la fin.

    Cette rivière perd son nom dans telle autre, cette rivière, en tombant dans telle autre, prend le nom de celle-ci.

    Renoncer à. Ah ! madame, perdez cette injuste créance. [Mairet, Sophonisbe] La belle, voyez-vous, qu'on perde ces caprices. [Corneille, la Gal. du Pal. Roy. IV, 11] Et les premières flammes S'établissent des droits si sacrés sur les âmes, Qu'il faut perdre fortune et renoncer au jour, Plutôt que de brûler des feux d'un autre amour. [Molière, Les femmes savantes] Quoi ! vous ne perdrez point cette cruelle envie [de mourir] ? [Racine, Phèdre] Votre mélancolie m'afflige ; vous la perdrez sans doute devant la fille que je vous destine. [Brueys, Muet, I, 5] Vous resterez, je le veux ; il faut perdre cet air chagrin et demeurer. [Mme Riccoboni, Sophie de Vallière, t. IV, p. 123, dans POUGENS]

  • 8Cesser de suivre, d'occuper, laisser échapper, laisser prendre. Perdre son chemin. Le cocher s'est laissé couper, il a perdu la file. Je ferai que le pilote perdra sa route. [Fénelon, Télémaque] Tout à coup elle [Cymodocée] s'aperçoit qu'elle a perdu le sentier de la montagne. [Chateaubriand, Les martyrs, ou Le triomphe de la religion chrétienne]

    Fig. Perdre la trace, les voies, le train d'une affaire, ne savoir plus où elle en est.

    Perdre du terrain, reculer au lieu d'avancer ; se laisser distancer par un concurrent.

    Terme de manége. Perdre du terrain, se rétrécir sur les voltes.

    Perdre de vue, voir VUE.

    Fig. Perdre le fil de son discours, n'en pouvoir plus trouver la suite.

    Perdre le fil du discours d'un autre, n'en pas pouvoir comprendre la suite.

    Perdre pied, perdre terre, ne plus trouver le fond de l'eau avec les pieds ; et fig. ne savoir plus où l'on on est.

  • 9 Terme de marine. Perdre terre, cesser de voir la terre.

    Perdre la sonde, ou perdre le fond, quitter les parages où l'on pouvait sonder.

    Perdre la tramontane, voir TRAMONTANE.

    Fig. et familièrement. Perdre la carte, se brouiller dans ses idées.

    Perdre ses mâts, ses voiles, son gouvernail, se dit lorsque les mâts sont abattus, les voiles emportées, le gouvernail démonté par l'effet du mauvais temps.

    Un officier commandant perd ou a perdu un bâtiment, lorsque ce bâtiment fait ou a fait naufrage pendant qu'il le commandait.

  • 10Perdre, faire un mauvais emploi, un emploi inutile. Et je perds mon trépas, Puisque, mourant pour lui, je ne le sauve pas. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Il aime mieux se jeter aux pieds de cette marâtre impérieuse qu'il hait et qu'il a bravée, que de perdre des prières et des soupirs auprès d'un père qui l'aime dans le fond de l'âme, et n'oserait lui rien accorder. [Corneille, Ex. de Théod.] Perdez fort peu de temps en ce doux entretien. [Corneille, Sophonisbe] Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme. [Corneille, Tite et Bérénice] A-t-on gagé d'être parfaite ? non assurément ; et, si j'avais fait cette gageure, j'y aurais bien perdu mon argent. [Sévigné, 61] Entrez dans ces raisonnements [les probabilités que le jeune de Grignan n'aille pas à la guerre] .... et ne vous mettez point si tôt en travail ; c'est dommage de perdre vos douleurs. [Sévigné, 28 févr. 1689] Et de ce peu de jours si longtemps attendus, Ah ! malheureux ! combien j'en ai déjà perdus ! [Racine, Bérénice] En quels retardements D'un jour si précieux perdez-vous les moments ? [Racine, Bajazet] Ma vengeance est perdue, S'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue. [Racine, Andromaque]

    Perdre temps, perdre du temps. Laisse-moi, raison importune.... Tu perds temps de me secourir, Puisque je ne veux point guérir. [Malherbe, V, 18] Je n'ai point perdu temps, et, voyant leur colère [des conjurés contre Auguste] Au point de ne rien craindre, en état de tout faire, J'ajoute en peu de mots.... [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Qu'on ne perde point temps à s'entre-regarder ; Parlez.... [Corneille, Andromède]

    Perdre temps, ne pas arriver à temps. Monsieur, j'ai perdu temps, votre homme se dédit. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    Ne perdez point de temps à, hâtez-vous de (locution vieillie). Ne perdez point de temps à le porter [l'entier payement] ici, ni à le donner à Saint-Georges sur son reçu. [Mme de Grignan, à un homme d'affaires, 1694, dans Bibl. des chartes, 1le série, t. IV.]

    Familièrement. Il y perd son latin, voir LATIN, n° 6.

    Dans un sens analogue. Je sens déjà crouler notre planète ; L'observatoire y perdra ses compas. [Béranger, Comète.]

    Fig. Vous y perdez vos pas, c'est-à-dire vous ne réussirez pas à ce que vous entreprenez. Qui va, qui vient, qui court, qui perd ses pas. [La Fontaine, Magn.]

  • 11Avoir le désavantage. Je voudrais, m'en coutât-il grand'chose, Pour la beauté du fait avoir perdu ma cause. [Molière, Le misanthrope] Si vous perdez une bataille, tout est perdu dans ce moment ; si vous ne la donnez pas, vous perdez tout, peut-être un peu plus lentement, mais vous perdez tout. [Maintenon, Lettres] La jurisprudence d'Espagne est précisément comme celle de France : on change de lois en changeant de chevaux de poste, et on perd à Séville le procès qu'on aurait gagné à Saragosse. [Voltaire, Correspondance]

    Ne rien perdre, n'éprouver aucun désavantage. Il m'envoie sa harangue, qui ne perd rien pour être imprimée. [Sévigné, 228] Si leur union [de Louis XIV et de Charles II] ne perd rien de sa fermeté. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je me trouvai sur son passage, elle ne perdait rien à être vue de près. [Marivaux, Le paysan parvenu]

    Terme de jeux. Perdre les cartes, faire moins de levées que la personne contre laquelle on joue.

    Il se dit aussi de l'argent que l'on donne à celui qui gagne une partie de jeu. Mon fils me fit l'autre jour une assez méchante plaisanterie : il me manda qu'il avait perdu au reversis deux cent soixante louis. [Sévigné, 442]

    Fig. Il joue à tout perdre, il expose au hasard tout ce qu'il a, ou les plus grands intérêts dont il soit chargé.

  • 12Causer la ruine. Quels que soient leurs décrets [des dieux], déclarez-vous pour eux, Et pour leur obéir perdez le malheureux. [Corneille, La mort de Pompée] Je perdrai qui me perd, ne pouvant me sauver. [Corneille, ib. II, 4] Je perdrai toute la maison d'Achab, et je tuerai de la maison d'Achab jusqu'aux petits enfants, jusqu'aux animaux. [Sacy, Bible, Rois, IV, IX, 8] Étant tous unis dans le dessein de perdre M. Arnauld. [Pascal, Les provinciales] Antiochus l'illustre, roi de Syrie, conçut le dessein de perdre ce peuple divisé [les Juifs], pour profiter de ses richesses. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] L'empereur [Théodose], ayant appris ce désordre, en fut tellement irrité, qu'il résolut de perdre cette ville [Thessalonique], et condamna à la mort une partie de ses habitants. [Fléchier, Histoire de Théodose le Grand] Et, pour nous rendre heureux, perdons les misérables. [Racine, Britannicus] On se perdait en voulant perdre l'innocence. [Massillon, Dauphin.] Que voulez-vous que je vous réponde ? vous avez voulu me perdre, et vous réussissez à merveille. [Dancourt, Les bourgeoises à la mode] Les leudes et les grands officiers se crurent perdus ; ils la perdirent [Brunehault]. [Montesquieu, L'esprit des lois] La cabale jésuitique ne voulut-elle pas perdre Fontenelle ? [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Perdre d'honneur, de réputation, ôter l'honneur, la réputation, en action ou en parole. Il a perdu d'honneur [par un soufflet] Celui que de mon fils j'ai fait le gouverneur. [Corneille, Le Cid] Toujours protectrice des gens qu'elle perdait de réputation par la bouche des autres. [Marivaux, Le paysan parvenu] Tu me perds d'honneur, ma chère Polly. [Voltaire, Écoss. II, 5]

    Perdre auprès de quelqu'un, dans l'esprit de quelqu'un, ôter la faveur, la bonne opinion. Je vois qu'il a voulu me perdre auprès de vous. [Corneille, Nicomède] Que ne m'avez-vous consultée avant que d'écrire à ma mère, lui repartis-je en sanglotant ? vous achevez de me perdre auprès d'elle. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]

    Par exagération. Causer un grand tort, un grand embarras. Mon cher oncle, je m'en irai ; je m'en retournerai ; ne me perdez pas. [Diderot, Le père de famille] Viens donc, malheureux ! tu me perds. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]

    Il se dit aussi des choses qui causent la ruine. D'un si lâche dessein mon âme est incapable, Il perd trop d'innocents pour punir un coupable. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Je lui ai dit que son indiscrétion la perdrait, que son silence ferait sa fortune. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Il leur est arrivé [aux jésuites] dans un siècle de lumière et de modération ce qui arriva aux templiers dans un siècle d'ignorance et de barbarie : l'orgueil perdit les uns et les autres. [Voltaire, Précis du siècle de Louis XV]

  • 13Gâter l'esprit, corrompre les moeurs. Lorsque le roi Henri VIII s'égara dans les passions qui ont perdu Salomon et tant d'autres rois. [Bossuet, Oraisons funèbres] Malheureuse ! voilà comme tu m'as perdue. [Racine, Phèdre]

    Perdre une femme, la jeter dans le désordre. Comment l'amour, qui perd tant d'honnêtes femmes.... [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse] L'indigence et la séduction perdaient une fille modeste et sage, qui peut faire un jour une excellente mère de famille. [Rousseau, ib. I, 39]

    Causer la damnation. Et mille fois elle [l'âme du religieux] se félicite elle-même d'avoir su perdre sa liberté, afin que sa liberté ne la perdît pas. [Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 481] C'est une illusion qui perd une infinité de demi-chrétiens, et qui nous perdra. [Bourdaloue, 6e dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 331 et 332] Ô Dieu !... si le nombre de ceux qu'il faudrait perdre ne vous fait rien rabattre de la sévérité de vos lois. [Massillon, Carême, Élus.]Perdre son âme, se damner.

  • 14Endommager, gâter. La nielle a perdu les blés. La pluie a perdu la robe de cette dame.
  • 15Confondre avec, rendre insensible dans. Il faut perdre cette nuance dans les autres.

    Terme de gravure. Perdre une taille, la rendre insensible ; la joindre à une autre, de manière que les deux se confondent ensemble.

  • 16 vi Perdre, ne pas obtenir le gain, le profit, l'avantage qu'on espérait. Si elle [Mme de Bouillon] est innocente, elle perd infiniment de n'avoir pas le plaisir de triompher. [Sévigné, 16 févr. 1680] Je comprends qu'en effet vous perdez un peu que je ne sois plus à Paris. [Sévigné, 17 mai 1680] Je suis charmé de mon prédicateur ; vous avez bien perdu de n'être pas à son sermon. [Fénelon, t. XXI, p. 3]

    Ce marchand perd sur sa marchandise, il la vend moins cher qu'il ne l'a achetée.

    Il perd dans son commerce, il y souffre du dommage, du préjudice.

    On dit de même : perdre tant sur une marchandise, sur un marché.

    Perdre à, manquer à. Je perds bien à gagner, de ce que ma boutique, Pour être trop étroite, empêche ma pratique. [Corneille, la Gal. du Pal. I, 4]

  • 17Avoir le désavantage au jeu. Si l'on joue, il gagne au jeu : il veut railler celui qui perd, et il l'offense. [La Bruyère, V] Tu peux me faire perdre, ô fortune ennemie ! Mais me faire payer, parbleu, je t'en défie. [Regnard, Le joueur]

    Jouer à qui perd gagne, jouer à un jeu où l'on convient que celui qui perdra la partie selon les règles ordinaires, la gagnera ; et fig. obtenir un avantage réel au prix d'un désavantage apparent.

  • 18Diminuer de valeur. Les actions ont perdu. Je ne dormirai point sous de riches lambris : Mais voit-on que le somme en perde de son prix ? [La Fontaine, Fables]

    Cet homme a beaucoup perdu dans l'opinion, c'est-à-dire on en fait moins de cas qu'auparavant. Vous aviez gagné chez les paysans, vous perdez chez les beaux esprits. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

    Sa réputation perd chaque jour, l'estime qu'on faisait de lui diminue chaque jour.

    Diminuer d'intensité, de force, de qualité. Le vin perd en vidange. Ces fruits perdent à attendre. Je cherchai combien la lumière du soleil perdait par la réflexion à différentes distances. [Buffon, Hist. min. Introd. part. exp. Oeuv. t. VII, p. 144]

    Empirer. Chez les peuples misérables l'espèce perd et quelquefois dégénère. [Montesquieu, Lettres persanes] Dans maint auteur de science profonde J'ai lu qu'on perd à trop courir le monde. [Gresset, Ver-Vert]

  • 19 Terme de marine. La mer perd, la marée se retire.

    Les marées perdent, lorsqu'elles sont dans la période pendant laquelle chaque marée est plus faible que celle qui l'a précédée.

    Un navire perd, lorsqu'il est gagné par un autre ou qu'il recule au lieu d'avancer. Il perd au vent lorsqu'il ne tient pas bien le vent.

  • 20Se perdre, vpron Être perdu, devenir à rien. Le temps se perd, seigneur. [Corneille, Othon] Elle gémit en vain ; sa plainte au vent se perd. [La Fontaine, Fables] Lui [Dieu], aux yeux de qui rien ne se perd. [Bossuet, Oraisons funèbres] Nous mourons tous... et nous allons sans cesse au tombeau, ainsi que des eaux qui se perdent sans retour. [Bossuet, ib.] J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue. [Racine, Britannicus] J'entends dire qu'elle [une actrice] n'a que des défauts qui se perdent aisément, mais qu'elle a toutes les qualités qui ne s'acquièrent point. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 23 juin 1766] Ses parents, qui n'approuvaient pas ce dessein, l'envoyèrent [Juste Lipse] à Louvain, où sa vocation se perdit. [Diderot, Opinions des anciens philosophes]

    Se perdre, se dit des espèces qui cessent d'exister. Il y a des espèces qui se perdent. Les espèces qui se sont perdues.

    L'odeur de cette liqueur, de cette essence, s'est perdue, elle s'est dissipée.

    Neutralement. Laisser perdre, ne pas avoir soin de garder. La fortune ne laisse rien perdre pour les hommes heureux. [La Rochefoucauld, Prem. pens. n° 17]

    Il se dit des lois, des usages, des coutumes qui cessent, des mots qui tombent en désuétude. Cet usage se perd de jour en jour. Ce mot se perd. Cette acception s'est perdue. La loi des Wisigoths triompha, et le droit romain s'y perdit. [Montesquieu, L'esprit des lois]

    Cette rivière se perd dans la terre, sous terre à tel endroit, elle s'enfonce en terre et disparaît à cet endroit. Si ces eaux trouvent des terres sablonneuses, elles se filtrent au travers, et se perdent ; il faut des fonds qui les arrêtent, tels que sont des lits de glaise. [Fontenelle, Couplet.]

    Cette rivière se perd, va se perdre dans telle autre, dans un lac etc. elle se jette dans telle autre, dans un lac, etc. L'Uruguay, qui se perd dans le même fleuve [le Paraguay] vers le 34e degré de latitude. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Cette rivière se perd dans les sables, elle y finit son cours et ses eaux s'y absorbent.

    Le chemin se perd en cet endroit, il cesse d'être frayé.

  • 21S'abîmer. J'ai demandé Thésée aux peuples de ces bords Où l'on voit l'Achéron se perdre chez les morts. [Racine, Phèdre] Les jours, les mois, les années s'enfoncent, et se perdent sans retour dans l'abîme des temps. [La Bruyère, XIII] La rivière s'élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers épouvantables qui s'élevaient jusqu'au ciel. [Voltaire, Candide, ou L'optimiste] Qui percera cette nuit profonde, qui sondera cet abîme où la nature va se perdre ? [Bonnet, Considérations sur les corps organisés]

    Fig. Tomber comme dans un précipice. C'est dans cet abîme profond [l'incrédulité] que la princesse palatine allait se perdre. [Bossuet, Oraisons funèbres] Les fleuves courent se mêler dans la mer : les monarchies vont se perdre dans le despotisme. [Montesquieu, L'esprit des lois] En niant le péché originel, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

  • 22Disparaître. Et dans un char de feu te perdant à mes yeux. [Tristan, La Marianne] Des montagnes qui se perdaient dans les nues. [Fénelon, Télémaque] Je lui répondis que Paris était pour moi un trop grand théâtre, que je m'y perdrais dans la foule. [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants] Je me perds dans la foule et deviens invisible. [Delavigne, Marino Fal. II, 4]

    Fig. Se perdre dans les nues, dans les nuages, parler avec emphase et obscurité. L'un a peur de ramper, il se perd dans la nue. [Boileau, L'art poétique]

    Fig. Se perdre dans des digressions, se livrer à des digressions qui font oublier le sujet principal.

  • 23Se terminer. De ces petits pourpoints sous les bras se perdant. [Molière, L'école des maris]

    Se perdre en, se terminer en, s'épuiser en, en parlant de choses. Que l'action, marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais en une scène vide. [Boileau, L'art poétique] Tandis.... Que vos ressentiments se perdront en discours. [Racine, Britannicus]

  • 24Se confondre en. Les dix tribus se perdent parmi les gentils. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Les peuples, réconciliés ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple romain. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

    Ces nuances, ces couleurs se perdent l'une dans l'autre, elles deviennent tellement mêlées qu'on n'en voit plus la différence.

  • 25S'anéantir. Se perdre en Dieu, c'est s'oublier soi-même, pour n'avoir le coeur occupé que de lui. [Bossuet, Rép. aux diff. de Mme de la Maisonfort.] Je me sentais avec une sorte de volupté accablé du poids de cet univers.... j'aimais à me perdre en imagination dans l'espace. [Rousseau, 3e lett. à M. de Malesherbes, Corresp. t. IV, p. 94, dans POUGENS.] Va donc, douce chimère d'une âme sensible, félicité si charmante et si désirée, va te perdre dans la nuit des songes ; tu n'auras plus de réalité pour moi. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]
  • 26Se perdre, faire naufrage. Un vieux gentilhomme qui s'était enrichi aux Indes, et qui s'était perdu en mer six mois après son mariage.... [Scarron, Le Roman comique] Depuis trente ans que je navigue, il ne m'est pas arrivé de voir deux vaisseaux aussi près de se perdre. [Lapérouse, Voir t. II, p. 149, dans POUGENS]
  • 27S'égarer, ne plus retrouver son chemin. Cet autre [chemin] si droit, par lequel on m'assurait que je ne me pourrais perdre quand je le voudrais, je m'y perdis hier trois fois en ne le voulant pas. [Voiture, Lettres]

    Neutralement. Mener perdre, conduire quelqu'un pour l'égarer.

    Fig. Il [Épictète] se perd dans la présomption de ce que l'on peut. [Pascal, Entret. avec M. de Saci.] Je ne me perds point, dit David, dans de tels excès ; et voilà l'orgueil méprisé dans ses égarements. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Fig. Se perdre, ne plus se retrouver soi-même. Mais, en se trouvant ainsi soi-même, étrange confusion ! elle [l'âme] se perdra bientôt soi-même. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ainsi il est vrai qu'il a perdu Dieu ; mais nous avons dit, et il est vrai, qu'il ne faut pas s'étonner s'il s'est après cela perdu lui-même. [Bossuet, ib.]

  • 28 Fig. Avoir l'esprit surmonté par la grandeur ou la difficulté des choses. C'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée. [Pascal, Pensées] Ils embrouillent toutes choses, et, perdant tout ordre et toute lumière, ils se perdent eux-mêmes et s'égarent dans des embarras inexplicables. [Pascal, De l'esprit géométrique] Ne nous perdons pas, chrétiens, dans ces hautes spéculations. [Bossuet, Sermons] Quel esprit ne se perdrait dans la contemplation de tant de merveilles ? [Bossuet, Sermons] Enfin dans cet horrible gouffre De misère et de vanité Je me perds ; et plus j'envisage La faiblesse de l'homme et sa malignité, Et moins de la divinité En lui je reconnais l'image. [Deshoulières, le Ruisseau.] Les raisonneurs hardis qui se sont perdus dans la profondeur de ces recherches. [Voltaire, Métaph. 3] Je me perdais dans ces foules de règles. [Rousseau, Les confessions]

    Je m'y perds, je n'y connais rien. Tout le monde a envie de rire : j'avoue, pour moi, que je m'y perds. [Bossuet, Lett. quiét. 404] Comment le fils d'un berger peut-il donner quarante gros diamants ? pourquoi est-il monté sur une licorne ? on s'y perdait. [Voltaire, La princesse de Babylone] Plus je sonde l'abîme, hélas ! plus je m'y perds. [Lamartine, Méditations poétiques]

    On dit aussi en ce sens : je me perds. Quand vous me dites que cela n'est pas considérable, je me perds et ne peux comprendre comme cela se peut faire. [Sévigné, 21 août 1680] Comme vous je me perds d'autant plus que j'y pense. [Racine, Bérénice]

    Ma tête se perd, je m'égare, mes idées se troublent.

  • 29Avoir l'esprit absorbé. Je me perds dans cette pensée. [Sévigné, 358] Le Nestor des Natchez parut se perdre dans quelque grand souvenir. [Chateaubriand, Les Natchez]
  • 30Cesser d'avoir des rapports d'amitié. Nous ne nous perdons point, de notre race ; nos liens s'allongent quelquefois, mais ils ne se rompent jamais. [Sévigné, à Bussy, 6 juill. 1670]
  • 31Causer sa propre ruine. Il se perd par ses dépenses excessives. Vous, s'il y faut périr, périssez avec moi ; C'est gloire de se perdre en servant ce qu'on aime. [Corneille, Sertorius] Cléone : Vous vous perdez, madame ; et vous devez songer... - Hermione : Que je me perde ou non, je songe à me venger. [Racine, Andromaque]

    Il joue à se perdre, se dit d'un homme qui s'expose à perdre sa vie, sa fortune, sa réputation.

    Se perdre d'honneur, ruiner soi-même sa réputation. Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur ? [Corneille, Pulchérie]

    Se perdre dans l'esprit de quelqu'un, s'enlever auprès de lui tout crédit, toute bonne opinion. Mademoiselle [de Montpensier] se perdit pour jamais dans l'esprit du roi. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Se perdre à crédit, à plaisir, de gaieté de coeur, se faire tort par étourderie. C'est se perdre de gaieté de coeur. [Delavigne, D. Juan d'Autriche, II, 7]

  • 32Se damner. Si vous en demeurez là, vous ne laisserez pas de vous perdre, mais au moins vous vous perdrez en honnête homme. [Pascal, Condit. des grands, 3] Les pécheurs ordinaires se perdent par un excès de confiance ; mais les libertins et les impies déclarés se perdent par un défaut de confiance. [Bourdaloue, Exhort. sur la trah. de Judas, t. I, p. 450] Verrai-je tout le monde se convertir, pendant que vous demeurerez dans le chemin de vous perdre ? [Maintenon, Lettres] Elles se perdaient gaiement par la galanterie, la bonne chère et par l'oisiveté ; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie. [La Bruyère, III]
  • 33 Terme de jeu de billard. Se perdre, mettre sa propre bille dans une blouse, ou la faire sauter hors des bandes.

PROVERBES

Il se faut garder des gens qui n'ont rien à perdre.

Marchand qui perd ne peut rire.

À tout perdre il n'y a qu'un coup périlleux, se dit, lorsqu'en risquant tout, on se résout à tout ce qui peut arriver.

À laver la tête d'un âne, d'un More, on perd sa lessive, on perd sa peine à instruire une personne têtue, stupide, indocile.

Il ne faut pas laisser perdre les bonnes coutumes, se dit en parlant de quelque fête où l'on se réjouit.

Qui quitte la partie la perd, se dit au jeu, et aussi pour marquer qu'il faut poursuivre ce qu'on entreprend.

Il est aujourd'hui la Saint-Lambert, qui quitte sa place la perd.

Qui perd le sien, perd le sens.

REMARQUE

Fléchier voulait qu'on dît au présent, avec l'interrogation : perdé-je ? Vaugelas, qu'on dît perds-je ? Perdé-je est dit par Mme de Grignan : Rien n'est plus digne de vos regrets [que la mort de Mme de Sévigné] ; et moi, monsieur, que ne perdé-je point ? dans SÉV. t. x, p. 387, éd. RÉGNIER. Louis XIV dit un jour : Depuis six ans que j'ai tant d'ennemis sur les bras, perds-je un seul pouce de terre, dans RICHELET, Dict. Il ne faut pas dire perdé-je qui est un barbarisme ; perds-je, qui est correct, n'est pas usité : il faut dire est-ce que je perds ?

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34 nm Le perdre, l'action de perdre. Ce n'est point le perdre qui nous afflige, c'est l'opinion seule d'avoir perdu. [Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.]
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